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Faust, tragédie subjective

Drame lyrique en cinq actes inspiré de l'oeuvre de Fernando PESSOA

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« La psychanalyse se flatte de rendre aux gens leur capacité de jouissance dans la mesure où celle-ci est sensée souffrir de troubles névrotiques. Comme si rien que l'expression "capacité de jouissance" - à supposer qu'il existe quelque chose de cet ordre - ne suffisait pas en elle-même à rabaisser ce dont il s'agit, de la façon la plus blessante ! Comme si un bonheur que l'on doit à une spéculation sur le bonheur n'était pas justement le contraire du bonheur, c'est à dire en fait une intrusion supplémentaire de modes de comportement institutionnellement planifiés dans le domaine, toujours plus restreint, de l'expérience vécue ... A quel niveau faut-il que la conscience dominante en soit venue pour qu'on en arrive, avec un sérieux imperturbable, à ériger en maxime de la vraie vie une telle proclamation volontariste des débordements de la prodigalité et d'une gaieté arrosée au champagne, à l'instar de ce qui était jusqu'à présent l'apanage d'attachés d'ambassade comme on peut en voir dans les opérettes hongroises ! Car c'est bien à cela que fait penser ce bonheur sur ordonnance : pour y prendre part, le névrosé ainsi rendu "heureux" doit abandonner jusqu'à la dernière miette de raison qu'ont pu encore lui laisser le refoulement et la regression, et pour faire plaisir à son psychanaliste, il lui faut s'extasier sans discernement en allant voir des films pornos et en mangeant la mauvaise cuisine aux prix exorbitants des "restaurants français", en buvant sec et en faisant l'amour dans les limites hygiéniques de ce qui s'appelle maintenant "le sexe".

Le mot de Schiller : "Que la vie est belle ! " n'a toujours été de toutes facons qu'un boniment de carton-pâte, mais c'est devenu une ineptie complète maintenant qu'on le claironne en faisant chorus avec le matraquage publicitaire omniprésent, auquel la psychanalyse accepte de collaborer elle-même, en reniant ce que se serait sa véritable vocation. Puisque aussi bien c'est en fait de ne plus avoir assez d'inhibitions, et non pas d'en avoir trop, que souffrent nos contemporains - sans que pour autant leur santé s'en trouve améliorée le moins du monde - une méthode cathartique digne de ce nom devrait, non pas se mesurer à l'aune d'une adaptation réussie et de succès économiques, mais aider les hommes à prendre conscience du malheur, du malheur général et de leur malheur propre, qui en est inséparable ; elle aurait à leur ôter les pseudo-satisfactions illusoires grâce auxquelles l'ordre odieux que nous connaissons peut encore survivre en eux, comme s'il ne les tenait pas déjà de l'extérieur assez fermement sous sa domination. L'idée de ce qu'il serait enfin possible de vivre ne peut s'épanouir que dans le dégoût du faux plaisir, dans le refus de l'offre sociale et dans le préssentiment que le bonheur est insuffisant même là où s'en est un, et à plus forte raison, là où il faut l'acheter au prix d'une resistance, qui est alors qualifiée de morbide, comme l'ersatz positif qui nous en est proposé. De telles exhortations au bonheur, où le directeur de clinique scientifiquement homme du monde rejoint le propagandsite fébrile de l'industrie des loisirs, font penser au père de famille furieux qui "engueule" ses enfants parce qu'ils ne dégringolent pas l'escalier tout de suite, à toute vitesse et en poussant des cris de joie pour dire bonjour à papa qui rentre excédé du bureau. Cela fait partie du mécanisme de la domination que d'empêcher la connaissance des souffrances qu'elle engendre ; et c'est la même logique qui mène en droite ligne de l'évangile de la joie de vivre à la construction d'abbatoirs humains assez loin en Pologne pour que chacun de nos "compatriotes" puisse se persuader qu'il n'entend pas les cris de douleur des victimes. Et la psychanalyse a le beau rôle en affirmant tranquillement à celui qui appelle ces choses par leur nom qu'il a tout simplement un complexe d'Oedipe. »

Theodor Wiesengrund ADORNO - L'invitation à la danse
in "Minima Moralia, réflexions sur la vie mutilée" (1944)


« Premier Acte - Le mystère du monde
La lutte est celle de l’Intelligence qui veut comprendre la vie, et qui est vaincue, et qui ne peut comprendre qu’elle ne pourra jamais comprendre la vie. Aussi cet acte est-il entièrement fait d’investigations intellectuelles et abstraites, où le mystère du monde (thème général de toute l’oeuvre, puisqu’il s’agit du thème central de l’Intelligence) est à plusieurs reprises traité.
Conflit de l’Intelligence avec elle-même / Tentation de la science / Fatigue de ne rien savoir – Elixir de la science / Impossibilité de savoir, de n’être heureux qu’en rêve / La pensée et sa douleur (choeur de la tragédie)
Deuxième acte
La lutte devient celle de l’Intelligence qui veut diriger la Vie, mais qui subit là aussi une cruelle défaite, bien que différemment. La difficulté tient dans la manière de représenter cette Vie que l’Intellignece tente de dominer.
Conflit de l’Intelligence avec les autres Intelligences / Vouloir savoir, connaître la vérité
Troisième Acte
Cet acte retrace la lutte de l’Intelligence qui tente de s’adapter à la vie, et qui est en ce cas, comme il fallait s’y attendre, représentée par l’amour, c’est-à-dire une figure féminine que Faust « essaie d’apprendre à aimer ». Ici comme auparavant, la défaite de l’Intelligence est tout aussi flagrante. L’acte se clôt sur le Monologue de la Nuit, qui recèle une amertume particulière, parce que l’incapacité de s’adapter à la vie est plus amère que l’échec de la comprendre et de la diriger – ce double échec étant 1 : le plus horrible (par le mystère essentiel), 2 : le plus décevant (par la disparité entre les résultats, l’effort consenti et la direction intentionnelle).
Conflit de l’Intelligence avec l’Emotion / Tentation de l’Amour / Vouloir connaître l’amour ou la vie / La beauté réelle / Recherche de l’amour afin de remplir une vie mortelle
Quatrième acte
Ici la tentative, ratée, est celle de dissoudre la Vie, avec une rage haineuse qui échoue face à la capacité de réaction de la Vie, tombant alors dans l’Habitude (les révoltés qui se reconnaissent pour maître le seigneur contre lequel ils s’étaient révoltés), dans le Plaisir le plus immédiat ou dans l’Indifférence aux grandes finalités (...)
Conflit de l’Intelligence avec l’Action / Tentation de la Vie (complète) / Vouloir sentir la Vie – abdiquer l’immortalité dans la Vie même
Cinquième acte
Finalement : la Mort – faillite finale de l’Intelligence devant la Vie. Pendant qu’on danse et qu’on s’amuse au cours d’une fête de jour saint, Faust agonise ignoré de tous. Et le drame se clôt sur la chanson de l’Esprit de la Nuit, qui reprend le thème de la terreur du Mystère, et qui engage autant la Vie que l’Intelligence – chanson simple et froide.
Défaite de l’Intelligence / Tentation de la Mort / Fatigue finale – renoncement à l’immortalité dans la Mort / La Mort »

Notes de Fernando Pessoa


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